Chaque année depuis 2011, les meilleurs musiciens australiens éparpillés de par le monde reviennent Down Under. Ils forment alors l’Australian World Orchestra (AWO), qui joue une seule semaine par an en Australie, sous la direction de leur chef d’orchestre attitré ou de Maestros invités. Avant les concerts exceptionnels des 2, 4 et 5 mai prochains à Sydney puis Melbourne, Alexander Briger revient pour nous sur cet ensemble qu’il a contribué à créer et sur sa propre trajectoire ultra-francophile.
L’Australien Alexander Briger a la chance de naître dans une famille de musiciens, mais il se destine d’abord à devenir… pilote d’avion. Certes, il apprend le violon, mais sans effort excessif. C’est un concert qui va changer sa vie, celui où il voit son oncle, le célèbre chef d’orchestre Sir Charles Mackerras, diriger la quatrième symphonie de Mahler à Sydney. Il a douze ans et c’est un choc. « Du jour au lendemain, j’ai su que je voulais devenir comme lui et je me suis mis à travailler comme un fou. Les gammes, la théorie, la pratique… « A l’époque, il n’y a pas de formation pour devenir chef d’orchestre en Australie (aujourd’hui, il existe une école à Sydney ndlr.), le jeune homme part donc pour Munich, en partie par goût pour la musique de Wagner et de Strauss.
Remarqué très tôt, il se voit offrir l’opportunité d’étudier et travailler aux côté du Français Pierre Boulez à Aix-en-Provence. De relation en relation, le jeune Australien, adoubé par le Maestro britannique Sir Simon Rattle, finit par s’installer en Angleterre où il est affilié à l’Orchestre philharmonique de Birmingham. Il dirige aussi en Allemagne et en France, se produisant, entre autres, avec l’Orchestre National de Paris et l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Parmi toutes les villes visitées, une lui est particulièrement chère : « Toulon, où j’ai dirigé l’opéra Katya Kabanova (Janacek) dans lequel j’ai rencontré ma future femme, la mezzo-soprano Caroline Meng. Nous fêtons d’ailleurs les cent jours de notre fille aujourd’hui. » Ce qui explique que le chef d’orchestre soit désormais basé en région parisienne. Il précise toutefois qu’il revient régulièrement en Australie, voir ses autres enfants.
« Socceroos de la musique »
L’AWO est une tout autre histoire. « Quand je suis à l’étranger, explique Alexander Briger, je rencontre toujours des Australiens. On ne le sait pas forcément, mais certains de nos talents jouent dans des formations de renommée internationale comme les Orchestres Philharmoniques de Berlin, Vienne, Hong-Kong ou les Orchestres Symphoniques de Londres ou Chicago. » Il réfléchit alors à une équipe de « Socceroos de la musique » qui permettrait aux Australiens installés partout dans le monde de jouer ensemble à domicile, un pari un peu fou qui germe en 2009 et se concrétise en 2011 avec ses premiers concerts.

A-t-il été difficile de repérer les musiciens ? « Nous sommes peu nombreux, je les connais donc tous ou alors ce sont eux me connaissent. Et puis, le bouche-à-oreille fonctionne. » Depuis ses débuts, 300 artistes ont joué avec l’AWO. Certains viennent de Chine, des Etats-Unis ou du Japon, mais d’autres se déplacent simplement depuis Perth, Brisbane ou Adélaïde. Bizarrement, aucun ne vient de France (à part Alexander Briger lui-même) ou d’Italie. Les instrumentalistes australiens ne seraient pas attirés par leurs orchestres ? « Je ne m’explique pas cette situation » reconnaît l’Australien. À l’inverse, il y aurait des musiciens français dans le Victoria, une information qui demande à être confirmée.
Alexander Briger a dirigé plusieurs fois l’AWO : en 2011 et 2016. Il recommencera en 2019. Dans l’intervalle, plusieurs Maestros se sont succédé. « C’est une grande chance d’avoir ces chefs d’orchestre invités. » Cette année, c’est l’Italien Riccardo Muti qui tiendra la baguette, « un homme absolument charismatique » qui a dirigé la Scala durant des années. « C’est grâce au tromboniste Michael Mulcahy qui joue au sein de l’Orchestre Symphonique de Chicago que j’ai pu l’approcher », raconte Alexander Briger. Ensuite, tout est allé très vite. L’AWO a suggéré des œuvres, mais c’est le Maestro qui a eu le mot de la fin. Au programme, on pourra donc écouter du Brahms (symphonie n°2), du Tchaikovsky (symphonie n°4) et du Verdi. Un très beau moment en perspective.
La musique est un langage universel mais tous les orchestres se ressemblent-ils ? « Pas du tout, affirme Alexander Briger, ils sont très différents les uns des autres. En Amérique, on ne joue pas comme en Angleterre ou en Autriche ! Certains déploient un son large et plein, d’autres peuvent avoir des cuivres plus doux ou plus âpres. Ensuite, il y a aussi une question de personnalité. Certains ensembles sont plus relaxes, d’autres plus formels et même stricts. Le chef d’orchestre doit s’adapter et surtout… s’affirmer et se faire respecter. »
Il faut dégager une aura et ça… ça ne s’apprend pas.

Alexander Briger compare volontiers son métier à celui d’un homme politique. « Pour que cent personnes vous suivent, il est indispensable d’être un excellent technicien, mais il faut surtout dégager une aura et ça, ça ne s’apprend pas. » En France, les musiciens de l’Opéra Bastille peuvent refuser de jouer, s’ils sont mécontents de celui qui les dirige. Pas toujours simple. Pour l’Australien : « Riccardo Muti fait incontestablement partie du top 5 des meilleurs chefs d’orchestre au monde » et, après le grand Zubin Mehta, c’est une chance inouïe qu’il revienne en Australie après 15 ans d’absence.
Les répétitions vont commencer ce week-end avec 3 concerts prévus les 2, 4 et 5 mai prochains à Sydney Opera House, puis au Melbourne Arts Centre. Alexander Briger se réjouit de cette « grande réunion de famille ». Il dirigera ce même ensemble pour une tournée indienne. En parallèle, il continuera à diriger à travers le monde. La Russie, la Chine ou le Japon l’attendent déjà. Nul doute qu’on le croisera aussi en Australie… et à Paris.
Valentine Sabouraud
Australian Word Orchestra dirigé par Riccardo Muti. Les 2 et 4 mai au Concert Hall de Sydney Opera House et le 5 mai à Hamer Hall, à Arts Centre Melbourne. Répertoire : Brahms (symphonie n°2) et Tchaikovsky (symphonie n°4). Réservations ici.
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