Cette année encore, l’Alliance française de Melbourne accueille l’exposition Dhumbadha Munga organisée dans le cadre du festival aborigène Yalukut Weelam Ngargee de Port Phillip. Parrainée par l’association The Torch, elle présente, à partir du 7 février, les oeuvres de neuf artistes dont six anciens détenus repérés alors qu’ils étaient encore en prison. Son commissaire d’art, Kent Morris, nous raconte l’histoire émouvante de cette belle épopée collective.
« L’association The Torch existe depuis une vingtaine d’années. A l’origine, elle proposait un programme pluridisciplinaire à destination des Aborigènes en prison. Il y a sept ans, j’ai été en charge d’un développement plus spécifiquement lié à l’art et à la culture. Finalement cette activité a pris l’ascendant sur le reste. » Il s’agit, pour l’association, d’aider les détenus à reconstituer le puzzle de leur identité, à comprendre l’histoire de leurs ancêtres, leur langue ou mêmes leurs traditions perdues. A partir de là, ils peuvent commencer (ou continuer) à s’exprimer avec un medium avec lequel ils ont une affinité : peinture, sculpture ou céramique… « Nous les aidons quand ils sont encore en prison – nous travaillons avec quatorze établissements pénitentiaires dans le Victoria – mais nous les accompagnons également à leur sortie, ces deux aspects sont tout aussi importants » précise Kent Morris.
Depuis le début, The Torch organise une grande exposition collective annuelle baptisée « Confined » où elle expose tous les participants au programme. « Mais la production a tellement augmenté que nous avons dû chercher des espaces d’exposition autres que la galerie de la mairie de St Kilda. C’est comme ça que nous avons rencontré les responsables de l’Alliance française. » Depuis trois ans donc, Eildon Mansion accueille les talents les plus prometteurs de The Torch, y compris certains membres de l’association. Kent Morris est lui-même artiste : cette année, il exposera ses œuvres aux côtés des autres… comme leur égal. « Nous trouvons cela important de ne pas faire de distinction », sourit-il. Entre maîtres et élèves, encadrant ou encadré… les frontières sont annihilées.
Dans la petite galerie attenante à la grande qui faisait jadis office de « salle de bal », les murs sont couverts de libellules tournoyantes. Les tableaux de Robby Wirramanda reprennent souvent cette figure allégorique qui annonce l’arrivée d’une saison prospère et qui évoque aussi le parcours personnel du peintre. « Les fonds mauves, roses, bleus ou argentés… sont les couleurs que l’on peut voir dans le nord-ouest du Victoria, la région d’origine de Robby » explique Kent Morris. Au centre, encadrant une sculpture en bois, des plateaux incurvés en céramique offrent une déclinaison de cet équipement traditionnel aborigène servant à porter les enfants, les fruits ou l’eau.
Originaire de Nouvelle-Galles du Sud, l’artiste Graham Gilbert se présente comme complètement autodidacte. Ses peintures mélangent des techniques pointillistes avec des lignes géométriques et des formes plus figuratives. Son bleu presque turquoise est frappant. Il dit avoir été inspiré par sa grand-mère et aussi sa mère, infirmière, très créative avec les textiles. Il a vendu plusieurs toiles à des institutions, et même à des musées. « C’est l’objectif, explique Kent Morris, nous voulons que nos artistes puissent avoir de la visibilité dans les galeries d’art contemporain et que leurs œuvres soient achetées par des particuliers comme des professionnels. »
A St Kilda, dans cet espace aéré ouvert sur le jardin, durant les six semaines que dure l’exposition, nul doute que les collectionneurs ne manqueront pas. Reste à dénouer les cordons de la bourse. Artistes à part entière, leurs œuvres sont au prix du marché.
Valentine Sabouraud
Dhumbadha Munga : du février au 28 mars – Entrée gratuite
Alliance française, Eildon Gallery, 51 Grey Street, St Kilda. Infos ici.
Légendes photos : 1/ Kent Morris 2/ Robby Wirramanda, Colours of Tyrrell #1, 2017, Acrylic on canvas.
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