Au travers d’une série de portraits, le Courrier Australien vous propose de revenir sur le parcours de plusieurs des gagnants des 2024 French-Australian Excellence Awards. Lauréat dans la catégorie “Arts, Culture, Entertainment & Events”, Olivier Vojetta s’investit depuis plusieurs années au sein de la communauté franco-australienne, en plus de mettre en pratique son amour pour l’écriture avec sept ouvrages aujourd’hui à son compte.
Auteur, animateur culturel, chroniqueur, consultant en stratégie… difficile de mettre une seule étiquette sur le parcours si hétéroclite d’Olivier Vojetta. Pourtant, rien ne destinait ce Lorrain, originaire de Nancy, à rejoindre l’Australie, devenue aujourd’hui une deuxième maison, source d’inspiration et de rencontres fortes.
Savoir se réinventer
Avant d’occuper un rôle à la croisée des chemins et des métiers, une carrière toute tracée attendait Olivier Vojetta à ses débuts : “j’ai fais des études de commerce à Bordeaux et un échange à Boston College, car j’ai toujours eu une fascination pour les États-Unis”, explique-t-il. “Puis, quand je suis revenu, j’ai trouvé mon premier boulot à Londres, à la Société générale dans le cadre d’un CSNE (équivalent du volontariat international aujourd’hui, ndlr.)”.
Une certaine inclinaison pour le monde de la stratégie, du business et du “consulting” semble claire. Il poursuit son parcours au sein de PricewaterhouseCoopers, l’un des quatre grands cabinets du “Big Four” d’audit et de conseil, avant de devenir trader pendant cinq ans dans une banque d’affaires, jusqu’à la crise financière de 2008. “Puis à ce moment-là, il a fallu se réinventer, et je l’ai fait dans une ‘hedge fund’ avec deux collègues français, pendant trois ans”.
C’est ensuite une rencontre avec son épouse australienne, dans une discothèque à Londres, qui va faire basculer les choses. “C’est elle qui m’a ensuite ramené à Sydney, et c’est un peu l’unique raison qui m’a fait venir ici !”, avoue-t-il en souriant. “Je n’avais jamais pensé à l’Australie avant, ce n’était pas du tout sur ma ‘map’, mais j’en suis heureux !” Repartir de zéro n’est pas chose aisée, mais celui qui avait à l’époque 35 ans ne regrette rien, “surtout dans un pays et une ville comme Sydney”.
Il y a deux ans, Olivier Vojetta prend un nouveau cap et rejoint une première agence de marketing et de communication en tant que stratégiste. Un changement de direction qui ne semble pas avoir perturbé le Nancéien, y voyant au contraire une opportunité de mettre à profit une palette encore plus large d’intérêts.
Quand la créativité rejaillit
“Non seulement j’amène mes compétences stratégiques et consultatives du monde de la banque, mais je ramène aussi cette fibre créative et ce ‘storytelling’ qui était en sommeil dans le monde professionnel”.
En parallèle de son activité professionnelle, sa “deuxième carrière”, comme il la qualifie, se trouve plongée dans les livres et l’écriture. Depuis 20 ans, il publie des ouvrages, matérialisation de ses réflexions, notamment sur la condition humaine : “j’adore créer des émotions chez les gens pour les inciter à agir d’une certaine manière”, explique-t-il. “Je suis très intéressé par le fonctionnement cérébral, les affres du cerveau, et comment les gens se rendent fous tout seul”.
Il signe en 2023 La folie des frères, son sixième roman centré sur la question du terrorisme. “Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui, avant d’être des salauds, étaient des héros. Ça m’intéressait de comprendre comment les gens pouvaient devenir quelqu’un d’autre, quelque fois en très peu de temps”, explique-t-il. “Et je pense qu’aujourd’hui, avec les réseaux sociaux par exemple, ce passage de ‘héro’ à ‘salaud’ est encore plus rapide”.
Créateur des “Philo Bistro”
Depuis quatre ans, Olivier Vojetta possède une troisième casquette, animant chaque mois les ‘Philo Bistro’, un rendez-vous devenu incontournable pour la communauté franco-australienne à Sydney et en Australie. “Et non pas ‘Bistro Philo’ !”, comme il aime le répéter avec humour. “Je veux mettre l’accent sur la discussion et l’échange avant le verre de vin !”
Une fois par mois, dans les locaux de l’Alliance française, il invite une personnalité “du monde des arts, de la politique ou du sport” pour une discussion et profonde et sans concession d’une heure et demi, en interaction avec un public “de plus en plus nombreux”, entre 50 et 90 personnes, pouvant aussi poser ses questions. “C’est un peu comme un talk show à la ‘David Letterman’”, explique Olivier Vojetta. “On a reçu des acteurs, chanteurs, journalistes, même des anciens espions. Je recherche des personnalités qui ont vraiment des choses intéressantes à raconter. C’est la quatrième saison et le public est de plus en plus nombreux, donc c’est quelque chose qui dure et qui s’amplifie”. Recommandé à toute personne possédant un niveau B2 ou plus, l’événement vise aussi à favoriser l’apprentissage de la langue française aux francophiles australiens, qui représentent “75% de l’audience”.
“L’étincelle est venue de Valérie Nicolas, directrice de l’Alliance française, qui m’a demandé si ça me tentait de ‘remettre de la vie’ dans l’Alliance. C’était il y a quatre ans, juste après le Covid-19, et les frontières venaient d’être rouvertes,” détaille-t-il. “Et moi, fondamentalement, j’y ai trouvé mon compte car j’ai vraiment une curiosité dans l’autre, c’est un peu ma casquette ‘d’écrivain/enquêteur’ où j’adore poser des questions qui touchent au domaine de la vérité personnelle et d’en faire un show autour de ça. Ce que je cherche avec la personne que j’invite, c’est créer une émotion inattendue !”
Amener la France à soi
Pour Olivier Vojetta, garder ce lien si précieux avec son pays natal est fondamental : “c’est ma manière à moi de ne pas ‘homesick’” résume-t-il. “Il y a quelques années, je me suis dit que la France me manquait trop. L’écriture m’aidait à conserver ce lien, mais c’est une activité solitaire, j’avais besoin de cette connexion vivante avec la France. Alors je me suis dit : ‘à défaut d’être en France, pourquoi ne pas amener la France à moi ?’”. En parallèle de son activité de “médiateur d’évènements culturels”, l’écrivain s’investit aussi en tant que critique littéraire et culturel pour des maisons d’édition ou sur le site du Courrier Australien, mais aussi au travers de chroniques à la radio 4EB. “Ce qui fait que maintenant, la France ne me manque plus car elle est là”.
Celui qui vit au cœur des relations entre la France et l’Australie depuis plusieurs années note une réelle attraction entre les deux cultures, qui entretiennent un lien particulier. “Je pense que c’est quelque chose qui va dans les deux sens,” explique Olivier Vojetta. “Les deux s’informent et s’enrichissent. D’ailleurs, on peut voir l’engouement qu’ont les Français pour l’Australie, qui est un pays symbole de rêve, de dépaysement, d’aventures et vice-versa. Je crois que les Australiens rêvent de la gastronomie et de la culture françaises, on le voit tous les ans avec l’AF French Film Festival. Il y a un million d’Australiens qui vont en France chaque année, sur une population de 25 millions. Donc je pense que ça en dit beaucoup.”
Récompensé aux French Australian Excellence Awards
L’année dernière, Olivier Vojetta est lauréat dans la catégorie “Arts, Culture, Entertainment & Events” des 2024 French Australian Excellence Awards, pour ses “Philo Bistro” et son implication dans les relations franco-australiennes. Une récompense qu’il reçoit “avec joie, un peu de surprise car je ne m’y attendais pas, mais aussi de la reconnaissance pour les gens qui ont voté pour moi, qui ont pensé que ce que je faisais aidait à enrichir ces liens entre la France et l’Australie”, confie-t-il. “Je voudrais une nouvelle fois remercier le Courrier Australien, mais aussi le Prix Yves Hernot, qui est sponsor dans la catégorie Art et Culture, sans qui cet award n’existerait pas.”
“Recevoir ce prix m’a ouvert de nouvelles possibilités,” explique-t-il. “Ça m’a créé une plateforme pour parler à des gens auxquels je n’avais pas forcément accès avant. Donc grâce à cet award, je peux avoir des invités encore plus grands dans mes ‘Philo Bistro’ et avoir des discussions encore plus impactantes”.
Aux futurs participants, Olivier Vojetta souhaite transmettre ce qui a fait sa force durant toute sa carrière : “être curieux des autres et être connecté aux autres. De nos jours, beaucoup de personnes ont une vie avec leur écran, et je crois que tout ce qui m’est arrivé de bien ces dernières années était ‘hors de l’écran’, via les rencontres où on s’ouvre à l’autre, où on se montre vulnérable. Donc posez des questions, intéressez-vous à l’autre, écoutez plus et parlez moins, n’essayez pas de vendre quelque chose dès le premier échange. D’abord, écoutez”.
Son plus grand conseil : “n’ayez pas peur de votre vulnérabilité, c’est une force d’authenticité et le plus grand cadeau que l’on puisse faire à l’autre. N’ayez pas non plus peur des silences dans les discussions, ils sont la place qu’on laisse à l’autre pour être soi-même. Enfin, ayez confiance en vous, je crois que la plupart des gens ‘s’auto-limitent’, mais l’humain est capable de bien plus que ce qu’on le croit. Donc prenez des risques, faites vous peur, c’est comme ça qu’on apprend”.
Le prochain “Philo Bistro” animé par Olivier Vojetta se tiendra le 14 mai à 18h, à l’Alliance française de Sydney, en présence du footballeur français Valère Germain.
Pour réservez votre place : https://www.afsydney.com.au/whats-on/philo-bistro/
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